Stockage par batterie : la France a du retard à l’allumage

Souvent sous-estimé, le stockage de l’énergie est, pourtant, un enjeu indissociable de la transition énergétique. Malgré un certain retard, la situation est en pleine évolution en France, en témoigne la construction de la plus grande batterie de l’Hexagone, non loin de Nantes.

Bien plus qu’un simple remplacement des centrales thermiques par des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, la décarbonation de la production d’électricité doit passer par une refonte globale de la gestion de l’électricité à l’échelle nationale. Les énergies renouvelables sont majoritairement non pilotables, contrairement aux centrales thermiques alimentées par les énergies fossiles. Élever la part du renouvelable dans le mix électrique constitue un défi majeur pour poursuivre la transition énergétique tout en continuant à répondre aux besoins nationaux en électricité.

Le déploiement massif de systèmes de stockage d’énergie est, à ce jour, la meilleure solution pour répondre à cet enjeu en assurant la stabilité du réseau, et en permettant de redistribuer la production d’électricité renouvelable au moment où la demande est la plus forte.

Parmi les solutions existantes de stockage de l’énergie, les systèmes de stockage d’électricité par batterie, aussi appelés BESS (Battery Energy Storage System), sont de plus en plus plébiscités en raison de leurs nombreux atouts.

La plus grande batterie française sera nantaise

Sur ce sujet, la France ne fait pas exception, en témoigne le récent projet Harmony Energy, qui vise à installer une batterie de stockage d’énergie de 100 MW sur les rives de la Loire, à Nantes. Andy Symonds, Président de Harmony Energy France, détaille : « Le projet de Cheviré est un projet de stockage d’énergie par batteries qui aura la capacité de stocker 200MWh d’électricité, c’est-à-dire l’équivalent des besoins d’environ 170 000 foyers pendant deux heures. Le parc est en cours de construction et sera mis en service à l’hiver 2025, afin de contribuer à l’équilibre du réseau français dès le début de l’année 2026 ». Comme un symbole, la BESS la plus puissante de France, implantée sur un terrain de 1,3 hectare, est construite en lieu et place d’une ancienne centrale thermique qui a permis d’alimenter Nantes en électricité jusqu’en 1986.

Une fois mise en service, cette nouvelle installation devrait permettre de lisser les écarts entre la production et la consommation, en emmagasinant l’énergie excédentaire lorsqu’elle est produite, et en la restituant lorsque la production est insuffisante. Elle contribuera ainsi indirectement aux objectifs de neutralité carbone.

Le stockage d’énergie, un enjeu indissociable des énergies renouvelables

Transition énergétique oblige, les heures des centrales thermiques ayant recours aux énergies fossiles sont comptées. Andy Symonds explique : « Afin de réussir la transition énergétique, il faut réduire drastiquement et rapidement notre utilisation des énergies fossiles. Cela passe par des axes de sobriété, d’efficacité, mais aussi par l’électrification du système. Si l’électricité représente aujourd’hui seulement environ 25% de l’énergie finale consommée en France, la Stratégie Nationale Bas Carbone prévoit qu’elle passe à 55% à horizon 2050. Les énergies renouvelables joueront donc un rôle de plus en plus important dans le mix énergétique français.»

Ici, l’enjeu est de déployer des infrastructures de production d’énergie renouvelable, tout en s’affranchissant du caractère pilotable des centrales thermiques. La tâche est complexe, puisque ces dernières ont la capacité de moduler leur puissance, afin de s’adapter à la demande en temps réel.

Ainsi, selon Andy Symonds, « il faudra accompagner ce déploiement par un certain nombre d’adaptations, notamment au regard de la flexibilité du système. Il faudra à la fois adapter notre consommation pour l’aligner avec les périodes de plus forte production solaire et éolienne, mais aussi intégrer de la flexibilité au niveau du réseau afin d’équilibrer l’offre et la demande en temps réel, pour contribuer à désengorger les câbles de transport et de distribution d’électricité, et in-fine pour conserver la stabilité du 50hz sur le réseau. Comme illustré dans de nombreux autres pays, le stockage d’électricité est parfaitement placé pour apporter ces services et jouer le rôle d’accompagnateur des ENR ».

L’ère des STEP est désormais révolue

Le stockage de l’énergie n’est pas un enjeu nouveau en France. Le pays dispose déjà d’importantes capacités de stockage d’énergie, qui jouent un rôle très important dans la flexibilité et la stabilité du réseau électrique national. Ces capacités de stockage prennent la forme de Stations de transfert d’énergie par pompage, communément appelées STEP.

Les STEP sont des centrales hydroélectriques, qui ont la particularité d’être composées d’un bassin supérieur et d’un bassin inférieur. Lorsque la demande en électricité est élevée, l’eau du bassin supérieur est envoyée vers le bassin inférieur, permettant la production d’électricité au niveau de la centrale hydroélectrique. À l’inverse, quand la production d’électricité est déjà trop importante, cette même centrale hydroélectrique peut être utilisée pour pomper l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur. Ces installations ont un très bon rendement, de l’ordre de 75% à 80%, et ont l’avantage de permettre de stocker d’immenses quantités d’énergie pour un coût, rapporté au kWh, relativement faible.

À l’heure actuelle, l’ensemble des STEP françaises affichent une puissance de 4530 MW, pour un stockage total estimé à 100 000 MWh. Seulement voilà, ces installations sont confrontées à d’importantes limites qui rendent presque impossible l’augmentation de leurs capacités.

En premier lieu, la construction de ce type d’installation engendre un impact environnemental très important, modifiant en profondeur des paysages et des écosystèmes. D’autre part, lors de la seconde moitié du XXe siècle, la France est parvenue à maximiser son potentiel hydroélectrique, rendant difficile la mise en place de nouvelles installations. Enfin, l’implantation de ces installations est soumise aux contraintes géologiques, les rendant impossible à déployer dans une vaste majorité du territoire.

La France doit accélérer sur le stockage d’énergie

Dans ce contexte, tous les voyants sont au vert pour la multiplication de BESS sur le territoire national. Cette solution de stockage cumule les avantages, comme une emprise au sol très réduite, une flexibilité accrue, et une installation possible au plus proche des centres de consommation comme les grandes villes ou les zones industrielles.

Si son plus gros défaut a longtemps été son tarif, celui-ci est en nette diminution depuis plusieurs années. Pourtant, la France accuse un retard conséquent face, notamment, à ses voisins européens. Andy Symonds ajoute : « Aujourd’hui, il y a environ 900 MW de systèmes de batteries installés en France alors qu’il va rapidement falloir quelques GW. La France est donc en retard, notamment en comparaison avec d’autres pays, mais le stockage est une technologie mature qui présente l’avantage de pouvoir se déployer très rapidement. Le stockage d’énergie va fortement croître en France, comme ailleurs, au cours des prochaines années ».

La filière s’organise ainsi peu à peu. Si on comptait seulement 7 MW de BESS raccordés en 2019, ce chiffre est passé à 917 MW en juillet 2024. De plus, selon RTE, le gestionnaire de réseau français, près de 6,9 GW de projets sont actuellement en attente pour être validés.

Malgré tout, la filière souffre d’un manque de soutien clair de la part de l’État. La notion de stockage d’électricité est, d’ailleurs, presque absente de la nouvelle feuille de route de la France sur le climat et l’énergie pour les 10 prochaines années. Cette absence de volonté politique s’ajoute à d’importantes difficultés d’investissements. En effet, à l’heure actuelle, ces installations ne sont financées qu’à travers leur rôle dans la stabilité du réseau électrique, et non dans leur capacité à stocker de l’énergie.

Dans le reste de l’Europe, de nombreux pays s’organisent, et accélèrent leur déploiement de systèmes de stockage par batterie. C’est le cas de l’Allemagne (5,9 GWh installés en 2023), du Royaume-Uni (2,7 GWh), ou encore de l’Italie (3,7 GWh). La Belgique n’est pas en reste, puisqu’elle devrait accueillir la plus grande batterie d’Europe, et l’une des plus grandes au monde. D’une capacité record de 2,8 GWh pour une puissance de 600 MW, elle devrait être mise en service en 2028.

Mis à jour le 18 Nov, 2024

Kevin Champeau

Commentaires

bright star bright star bright star bright star grey star

Pour en savoir plus sur notre politique de contrôle, traitement et publication des avis cliquez ici