EDF, Engie et Qair, porteurs de projets pilote d’éoliennes flottantes qui devraient voir le jour en Méditerranée, ont alerté le gouvernement au sujet des surcoûts conséquents auxquels ils font face. Une menace pour le développement des premiers parcs flottants français.

Navigation en eaux troubles. Épargné par les surcoûts qui ne cessent de s’abattre sur ses concurrents européens, le secteur éolien offshore français semble rattrapé par une hausse brutale des prix, qui met à mal son développement. EDF, Engie, et Qair, producteur éolien, ont adressé fin février un courrier aux pouvoirs publics pour faire part de leur inquiétude : porteurs des projets pilote qui permettraient de déployer les premières éoliennes flottantes françaises, les trois acteurs donnent l’alerte quant aux tarifs pratiqués par leurs fournisseurs en raison de l’inflation.

L’éolien flottant au bord du naufrage ?

Installer des éoliennes loin des côtes pour capter la puissance régulière des vents du large et s’affranchir des contraintes de profondeur du plancher marin.” C’est la promesse faite par EDF avec son projet pilote d’éolienne offshore, dans un contexte d’accélération de la décarbonation à l’échelle européenne.

Pourtant, les ambitions des porteurs de projet d’éoliennes flottantes semblent mises à mal. Affectés par des surcoûts majeurs appliqués par leurs fournisseurs, EDF, Engie et Qair pourraient être considérablement freinés dans le déploiement de leurs dispositifs. Pourtant, le secteur éolien français se portait bien jusqu’ici : tandis que les autres pays européens étaient submergés par le coût des matières premières et des équipements, les groupes français parvenaient à développer leurs projets, aidés par le développement de l’industrie.

Mais la crise économique touche désormais les fournisseurs, qui répercutent leurs coûts sur les budgets des projets. Les trois groupes, cités par les Échos ont sollicité l’exécutif en “urgence” pour qu’il leur accorde “une nécessaire indexation de leur tarif d’achat d’électricité”, permettant de contrebalancer la flambée des coûts. Sans cette mesure, EDF, Engie et Qair craignent de ne pas pouvoir “sauver la filière.” Des déclarations inquiétantes.

Une indexation des tarifs

Laurent Verget, directeur de la division éolienne de Qair France, en charge du projet Eolmed qui permettrait le déploiement de trois éoliennes flottantes au large de Gruissan, souligne la nécessité de l’indexation des tarifs pour soutenir le développement des dispositifs. Il signale la légitimité de la demande, dans un contexte où les tarifs assurés par le gouvernement aux autres parcs sont, quant à eux, indexés sur l’inflation.

Il déclare, cité par les Échos : “Nous demandons à l’État une indexation des tarifs, comme ce qui est prévu pour l’ensemble des autres parcs en mer.

La flambée du coût de l’acier, l’inflation galopante, liée au Covid-19 et à la crise ukrainienne, ainsi que les surcoûts provoqués par la banqueroute du turbine Senvion sont autant de facteurs qui ont provoqué l’envolée du budget initialement prévu pour le projet. L’enveloppe nécessaire, qui prévoyait originellement 252 millions d’euros, compte désormais 320 millions d’euros.

Laurent Vergnet a ainsi averti : “Nous poursuivons le projet, mais nous appliquerons les contrats tels qu’ils sont prévus. Nos fournisseurs nous ont déjà fait part de la nécessité d’augmenter leurs tarifs, mais nous ne serons pas en capacité de suivre.” Le projet semble donc mis à mal.

Des projets avortés

Chez Engie et chez EDF, les travaux continuent. La mise en service du parc est même prévue pour cette année du côté d’EDF, qui multiplie les projets éoliens. Mais la détérioration de la rentabilité du projet inquiète chez Engie, qui apporte une grande attention aux indicateurs financiers.

Les demandes des trois groupes ont reçu pour l’instant une fin de non-recevoir de la part de l’État. Ils bénéficient déjà des subventions de l’Ademe et de prix d’achat de l’électricité assurés par l’État à 240 euros le MWh – près du double du prix maximal attendu pour la première ferme flottante commerciale. La position des pouvoirs publics devrait rester ferme.

Une source des pouvoirs publics, citée par les Échos, a même affirmé “Les développeurs sélectionnés l’ont été sur une base concurrentielle ce qui empêche une telle réévaluation des tarifs.

Or, l’histoire compte de nombreux exemples de projets avortés, faute d’aides du gouvernement. Le pétrolier Shell, qui avait été choisi pour déployer une ferme pilote à Belle-Île-en-Mer a était contraint d’abandonner le projet en 2022. Mis dans les rouages depuis 2016, les projets avaient pour but de tester les technologies éoliennes offshore, porteuses d’avenir en matière d’énergies renouvelables pour la France. Ils aspiraient également à améliorer les capacités industrielles et les installations portuaires propres à l’éolien offshore, nécessaire pour développer le potentiel de cette énergie renouvelable. L’engagement du gouvernement envers le solaire devrait raviver le vent de colère qui s’élève déjà parmi les trois groupes.

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