Les travaux de construction d’une nouvelle chaudière utilisant des déchets ont commencé début avril sur l’Île de la Réunion. Un dispositif insolite qui permet de produire une électricité verte, et de freiner la détérioration des paysages réunionnais, envahis par les détritus.
Cap vers la transition énergétique ? Le projet de chaudière lancé début avril au nord-est de l’Île de la Réunion permettra d’utiliser les déchets qui submergent les paysages pour les transformer en électricité. Dans les rouages depuis 2017, la chaudière est très attendue par les élus locaux et les habitants, qui soulignent l’insuffisance du traitement des ordures. Le dispositif permettra donc d’allier la transition énergétique à d’autres mesures écologiques.
La valorisation énergétique des déchets
Le 10 avril dernier à Saint-André, le producteur d’énergies renouvelables Albioma a démarré la construction de sa future chaudière, qui devrait permettre à la commune d’outre-mer de faire des progrès considérables dans la transition énergétique.
L’unité de valorisation énergétique (UVE) aura pour but de transformer les déchets récoltés en énergie, et de réduire de 50% leur enfouissement dans le sol réunionnais.
Le traitement des ordures est une problématique majeure du territoire d’outre-mer, qui fait régulièrement remonter aux pouvoirs publics les dangers sanitaires et la dégradation du paysage liés à la mauvaise gestion des déchets. 600 000 tonnes de déchets sont ainsi enfouies sur l’île chaque année, faute de prise en charge, et d’espace suffisant pour les recycler.
L’élaboration de la chaudière à combustible solide de récupération permettrait donc une avancée considérable dans deux domaines : la transition énergétique et l’écologie. Un signe de l’engagement français dans le renouvelable.
Un projet de longue date
La construction de la chaudière était très attendue. Plusieurs représentants, élus, et industriels ont ainsi assisté à l’inauguration de la construction de la chaudière. Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) était aux côtés de Frédéric Moyne, directeur général du groupe Albioma. La firme est présente sur le sol réunionnais depuis plus de 30 ans, et est notamment à la tête de deux des principales centrales thermiques de l’île.
Si le projet a été aussi bien accueilli, c’est parce qu’il est attendu depuis 2017. Lancée par le Syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l’Est (SYDNE), l’initiative a eu du mal à voir le jour. Pourtant, quelques mois après le démarrage du projet, la construction d’un centre de valorisation multi-filière avait bien débuté, à Sainte-Suzanne cette fois-ci.
Ce dispositif ambitieux aurait dû permettre de réduire considérablement le nombre de déchets enfouis, qui auraient été revalorisés pour 70% d’entre eux : 20% par la valorisation organique, c’est-à-dire le compostage, et 50% par la production de CSR, provenant du compactage des ordures. Il s’agit d’un combustible aux importantes propriétés calorifiques. Une technologie intéressante pour conjuguer écologie et énergie.
Le problème c’est que sept ans plus tard il manquait toujours deux infrastructures essentielles au bon fonctionnement de l’installation : l’UVE d’Albioma, qui brûle le CSR pour produire de l’électricité, et l’ISDU, ou installation de stockage des déchets ultimes, qui réceptionne les déchets qui n’ont pas pu être valorisés. Si le dispositif permettait bien de produire de l’électricité, cette dernière était immédiatement enfouie sous terre, sans aucune possibilité d’utilisation. Les Réunionnais se réjouissent donc de l’avancée du projet à Saint-André.
Des sommes colossales mobilisées en outre-mer
La pandémie de Covid-19 et des contraintes judiciaires ont freiné l’avancée du projet. Ce n’est qu’en 2022 que le programme a véritablement pu reprendre, et qu’Albioma a décidé d’accélérer les opérations. Un soulagement pour les Réunionnais, dans la mesure où le centre d’enfouissement du nord-est du pays va arriver à saturation en 2028.
L’investissement financier est proportionnel au retard accusé : 90% du montant sera pris en charge par le groupe. L’État supportera 10% des coûts. Or, le projet engage déjà 150 millions d’euros. Une somme significative quand on sait que 700 millions d’euros sont utilisés chaque année pour financer le système électrique réunionnais, et garantir une égalité de prix.
En effet, Daniel Alamélou, président du SYDNE, explique à la presse lors de l'inauguration que “le coût de production de l’électricité ici comme dans tous les outre-mer est plus élevé qu’en métropole.
” La situation géographique très contraignante est en cause. Ainsi, l’État investit particulièrement dans ces zones, pour leur assurer le même tarif réglementé que dans l’hexagone. Emmanuelle Wagon signale qu’il s’agit là d’une preuve de “solidarité nationale
”, garantie par la CRE.
La nouvelle chaudière participe donc de cet effort national pour accélérer la transition écologique en outre-mer, déjà encouragée par la conversion du charbon à la biomasse, permise par un premier investissement de 130 millions d’euros.
La future chaudière, qui produira de l’énergie grâce à la vapeur des combustibles des détritus constitue déjà un “vrai motif de fierté pour les Réunionnais
” selon Emmanuelle Wargon, et permettra de consolider le système énergétique local.
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