L’évolution du mix électrique français et le déploiement massif des énergies renouvelables provoquent régulièrement des situations de surproduction en France. Au mois d’avril 2024, les prix de l’électricité sont ainsi tombés dans les négatifs à deux reprises. Un phénomène qui devrait impacter les consommateurs, mais aussi les pays voisins.
Plein phare sur le solaire. Le développement des énergies solaires est en train de révolutionner le mix énergétique français : les aléas de l’ensoleillement bouleversent en effet le système, à l’origine fondé sur l’énergie nucléaire, plus régulière. Or, la France fait face à une situation de surproduction qui change la donne sur les marchés de gros : l’électricité s’est vendue à plusieurs reprises à prix négatifs le mois passé.
Trop d’électricité ?
La situation paraît improbable : alors qu’en 2022, au cœur de la crise énergétique, l’Europe peinait à s'approvisionner en électricité, la France se trouve aujourd’hui en situation de surproduction. En cause ? Les seize réacteurs nucléaires affectés par la corrosion ont été réhabilités, et le photovoltaïque a connu une expansion importante, sous l’impulsion du gouvernement.
En ce début 2024, la France a produit trop d’électricité à plusieurs reprises : le 13 et le 14 avril, elle a même dû suspendre cinq réacteurs nucléaires, tout en ralentissant l’activité d’une dizaine d’autres dispositifs. Le fort ensoleillement de ses journées a en effet porté à son maximum la capacité des dispositifs solaires - sans que les énergéticiens n’aient pu le prévoir. La puissance du parc a été réduite d’un tiers, faisant grincer des dents aux spécialistes qui regrettent ce gâchis d’électricité, et le manque de valorisation de la production.
Des prix négatifs
La surproduction n’est pas sans incidence sur les prix de marché de gros de court terme, appelé “spot.” Achetée la veille pour le lendemain, l’électricité se caractérise par des prix très volatiles, particulièrement sensibles aux situations de surplus.
Le samedi 13 avril à 14 heures, on a ainsi pu observer un prix négatif de -55€ du MWh. Concrètement, les acteurs du secteur ont dû payer ce montant pour permettre à leur production électrique d’être injectée dans le réseau. Or, cette dynamique peut être dangereuse pour les consommateurs, les producteurs, mais aussi pour les réseaux des pays voisins, comme l’Allemagne, qui a subi une flambée des prix en raison de la surproduction française la semaine passée.
Le marché se caractérise ainsi par une certaine instabilité : le 17 mai, à 8h, le prix de l’électricité s’est envolé sur les marchés de gros, atteignant 90€ du MWh. Une situation qui pousse les autorités à repenser le système de tarification.
Une accélération du phénomène
Si les prix atteignaient parfois des montants négatifs par le passé, le phénomène est de plus en plus fréquent depuis 2020 : en 2023, 120h ont été concernées par cette dynamique, et 2024 risque déjà d’être une année record.
Mathieu Pierzo, directeur marché chez RTE cité dans Ouest France estime que cette situation, qui concerne toute l’Europe, ne devrait pas inquiéter les consommateurs outre mesure. En revanche, il faut désormais repenser le système tarifaire - notamment des heures creuses - pour permettre une meilleure valorisation de la production.
Il explique ainsi qu’il est nécessaire de “trouver des moyens de développer la consommation électrique lors du pic de production correspondant aux heures les plus ensoleillées, entre 10h et 17h avec des incitations tarifaires pour les activités industrielles, ou la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, le stockage de chaleur ou de froid, ou encore la consommation des particuliers.”
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a ainsi enjoint ENEDIS à réformer son système d’heures creuses pour faire face à ce nouveau phénomène.
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