En avril 2024, le prix de gros de l’électricité en France était en moyenne 30 euros du MWh moins élevé que ceux enregistrés en Allemagne. Le gestionnaire de réseau RTE explique cette différence notable par les problèmes rencontrés au niveau des interconnexions entre l’Est de la France et les pays limitrophes. Un problème technique qui peut être résolu, mais qui laisse les experts songeurs : d’autres disparités de ce type sont prévues dans les années à venir, soulignant l’hétérogénéité du marché européen.

Un rêve irréalisable ? Alors que les campagnes pour les élections européennes mettent l’accent sur un marché de l’électricité homogène et unifié, la disparité entre les prix de gros de la France et de l’Allemagne semble contredire les desseins des eurodéputés. Une différence de 30 euros du MWh, en faveur de l’hexagone, a ainsi été enregistrée au cours du mois d’avril 2024. Or, le phénomène est surprenant : en cas de disparité des tarifs, la France devrait être perdante, à cause des règles imposées par Bruxelles. Mais les difficultés techniques rencontrées dans l’Est de l’hexagone ont laissé l’Allemagne en proie à une flambée des prix, qui creuse l’écart entre les deux pays. Pour les économistes, le bilan est clair : un marché européen de l’électricité homogène ne serait qu’une chimère.

Un bloc uni ?

Dans un contexte de réforme du système électrique européen, la disparité de prix de gros enregistrée entre la France et l’Allemagne inquiète. Le marché de l’électricité européen a en effet été pensé comme un bloc unique, qui opérerait de la même façon pour chaque État membre.

L’indexation des prix de l’électricité de gros au prix du gaz a pour objectif de permettre une harmonisation des prix, quel que soit le modèle énergétique du pays. Cette règle, fixée par Bruxelles, devrait en principe provoquer une flambée des prix sur le marché français, qui doit s’adapter à la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire tout en fondant son mix électrique sur le gaz fossile.

Mais depuis plusieurs semaines, les experts observent un phénomène inverse : les prix de gros du marché allemand étaient supérieurs de 30 euros du MGw par rapport aux tarifs affichés en France. Et cette tendance devrait se confirmer dans les années à venir. Un trader de l’énergie qui a préféré garder l’anonymat explique ainsi à la Tribune : “L’an prochain, le marché anticipe un écart de prix entre les deux pays d’au moins 10 euros par MWh.

Une extrême tension

Si les eurodéputés rêvent d’un marché uni, régi par un même principe régulateur, il y a dans les faits des systèmes propres à chaque pays. Nicolas Goldberg, senior manager Énergie chez Colombus Consulting explique ainsi, cité par la Tribune : “Il existe bien des interconnexions entre États membres qui favorisent une convergence des cours, mais elles ne sont pas sans limites. Il arrive régulièrement qu’elles soient saturées et le marché l’anticipe en raisonnant par zones de prix.

Or, les récentes restrictions du réseau français ont chamboulé le marché allemand : depuis le mois de mars, des congestions significatives sont enregistrées à la frontière de l’Est de la France et de l’Allemagne. Le gestionnaire de réseau RTE souligne le caractère “exceptionnel” de la situation dans une note envoyée fin avril, et explique qu’il a été contraint d’”appliquer des réductions de capacités aux frontières afin de garantir la sûreté du système électrique.

Ces mesures peuvent ainsi expliquer la disparité des prix de gros entre la France et l’Allemagne en avril, mais le problème des différences systémiques doit aussi être pris en compte pour comprendre la persistance de ce phénomène.

Des limites techniques sur le long terme

Les variations de prix observées sur les livraisons d’électricité pour 2025, 2026 et 2026 suggèrent que les problèmes techniques ponctuels ne sont pas les seuls facteurs qui expliquent l’hétérogénéité des marchés.

En effet, la trop grande différence entre les mix énergétiques de chaque pays devrait continuer de causer de telles disparités à l’avenir : les limites techniques aujourd’hui rencontrées aux frontières des états devraient en effet continuer d’impacter le système des prix. La France, dont le système électrique repose essentiellement sur le nucléaire, se trouve donc régulièrement en situation de surcapacité, saturant les réseaux. Cinq réacteurs ont même dû être suspendus il y a quelques semaines.

Or, le modèle allemand ne suit plus la cadence française à ce niveau-là. Nicolas Goldberg explique ainsi “Les acteurs du marché anticipent plus de surcapacités en France qu’en Allemagne. Ce qui paraît cohérent, sur le papier, puisque l’Hexagone ne va pas fermer beaucoup de moyens de production. Contrairement à l’Allemagne qui est sortie de l’atome et veut faire de même pour le charbon.

La France se trouve en effet en situation de surproduction : l’accent mis sur le renouvelable, et la disponibilité du parc nucléaire peuvent expliquer cette dynamique. Le pays est donc avant tout exportateur, et n’a besoin de recourir à des moyens de production externes que dans une moindre mesure. La situation n’est pas la même du côté du système allemand, qui repose encore sur l’importation.

Les disparités de modèle devraient donc continuer de creuser cet écart au fil du temps, faisant vaciller les espoirs d’un modèle commun à quelques semaines des Européennes.

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