À l’approche des élections européennes du 6 au 9 juin, la question de la transition énergétique est au cœur des débats. Alors que l’UE veut atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 grâce à son pacte vert, qui vise également à assurer la protection des consommateurs, les différentes listes françaises ne semblent pas toutes alignées sur ces objectifs.

75%. C’est la part d’émissions de gaz à effet de serre de l’UE attribuée à la production et à la consommation d’énergie, alors que l’Europe entend atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. La décarbonation nécessaire du système énergétique est donc au centre des préoccupations à l’approche des élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin. Le pacte vert, soutenu par les eurodéputés pour atteindre cette cible, ne met pas d’accord toutes les listes françaises. Énergies renouvelables, marché de l’énergie unique, protection des consommateurs… Zoom sur les différents programmes.

Le pacte vert

La Commission européenne souhaite accélérer la dynamique de transition énergétique dans un contexte d’urgence climatique, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’une plus grande souveraineté énergétique pour protéger les consommateurs des crises qui ébranlent le marché depuis 2022. La cible à l’horizon 2050 ? Atteindre la neutralité carbone tout en acquérant plus d’indépendance.

Pour ce faire, la Commission européenne veut engager les états membres dans le pacte vert, résumé en trois principaux points : garantir un approvisionnement énergétique de l’UE sûr et abordable, instaurer un marché de l’énergie de l’UE pleinement intégré et interconnecté, et donner la priorité à l’efficacité énergétique, fondée en grande partie sur les énergies renouvelables et l’abandon du gaz.

Un projet ambitieux, qui rappelle pourtant l’inadéquation du réseau électrique européen : la flambée des prix en Allemagne les semaines passées, en raison d’une insuffisance technique française, suggère pour les experts que le marché unique de l’énergie est encore un rêve fragile.

Or, les listes françaises ne semblent pas toutes alignées avec les objectifs de la commission.

Les Écologistes : un alignement total au pacte vert ?

Faire mieux avec moins” : c’est le dessein du parti Écologiste en matière de pacte vert. Portée par Marie Toussaint, la liste des Écologistes défend fermement les axes prioritaires du pacte vert. Dans son programme, le parti plaide pour “un respect des limites planétaires” et “une sécurité d’approvisionnement énergétique du continent”, qu’il décrit comme un véritable défi pour l’Europe. La sortie des énergies fossiles, via le développement d’un mix complètement renouvelable, est ainsi soutenue par les Écologistes, en concordance avec les axes du pacte vert.

Mais comment Marie Toussaint compte-t-elle parvenir à atteindre ces objectifs ? Plébiscitant une “justice sociale en matière d’énergie” et une abolition des “excès énergétiques des plus riches”, elle suggère de s’appuyer sur les pompes à chaleur et d’investir dans le transfert d’électricité par pompage hydraulique. Marie Toussaint défend également la prise de contrôle des six entreprises pétro-gazières européennes les plus polluantes, avec un rachat de 51% de leurs actions, pour accélérer leur dynamique de transition verte. Une proposition qui fait grincer la droite des dents.

L’objectif final ? “Économiser au niveau européen 55% de l’énergie finale consommée en 2050 par rapport au niveau pré-covid.” La sobriété énergétique est donc fermement soutenue par le parti.

Côté réseau, les Écologistes proposent de s’appuyer sur le couplage sectoriel pour optimiser l’énergie disponible, tout en renforçant l’interconnexion des réseaux grâce à un plan de rénovation et de stockage. Une mesure en phase avec un marché européen unique, alors que la question de l’adéquation des différents types énergétiques se pose encore.

Le Rassemblement National contre le pacte vert

Contre le pacte vert, le retour de l’écologie raisonnable.” C’est le slogan défendu par Jordan Bardella, porteur de la liste du Rassemblement National, qui voit dans la proposition européenne une “écologie punitive.

Le RN met ainsi l’accent sur la protection des consommateurs, et souhaite “rendre aux Français leur argent en baissant la facture européenne.” Une baisse de 30 à 40% de la facture d’électricité en rétablissant un prix français de l’électricité est donc défendu par l’élu. Rejetant les desseins de marché unique de l’électricité, le parti souhaite plutôt protéger le mix français en soutenant les filières du nucléaire, de la géothermie et de l’hydrogène, et en rejetant “l’ingérence européenne en matière de politique énergétique.

Pour faire de la France un “paradis énergétique“, Jordan Bardella entend miser sur la production locale, la valorisation des emplois français en matière énergétique, et sur une diplomatie énergétique qui permettrait d’exporter les savoir-faire français. Une politique plutôt isolationniste, qui met à mal les priorités du pacte vert.

LFI : vers une transition écologique sans marché européen de l’énergie

La candidate en tête de liste pour La France Insoumise, Manon Aubry, défend la décarbonation soutenue par le pacte vert. Plaidant une sortie des énergies fossiles et une taxation des entreprises du pétrole, du gaz et du charbon, elle soutient l’objectif ambitieux d’atteindre la neutralité carbone en Europe à l’horizon 2040, tout en passant aux 100% d’énergies renouvelables en Europe. Des mesures alignées aux propositions écologiques du pacte vert. Le rejet du nucléaire, dont le parti souhaite planifier la sortie, fait néanmoins débat.

Pour atteindre sa cible, le parti souhaite également contrer le lobbying des entreprises du pétrole, charbon et gaz dans les institutions publiques et soutient la révision d’une taxonomie européenne pour sortir du gaz grâce à une taxonomie noire, sanctionnant les activités néfastes pour l’environnement. Le dessein est clair : “acter la défaillance du marché carbone”, et défendre un avenir fondé sur du 100% renouvelable, tout en assurant une protection maximale aux consommateurs grâce aux taxes appliquées aux super-entreprises.

Le marché unique de l’énergie européen plébiscité dans le pacte vert n’est cependant pas au programme : le parti milite pour un “protectionnisme écologique” et souhaite limiter la ratification d’accords de libre-échange, présentés comme une “triple-folie, sociale et sanitaire.” Le marché unique de l’électricité est donc accueilli en demi-teinte par la liste, qui ne propose, par ailleurs, pas de mesures concrètes quant à la question du réseau électrique européen.

Parti Socialiste : 100% de renouvelable en 2050

Il est temps de vivre mieux”: c’est le titre choisi par le Parti Socialiste pour son programme porté par Raphaël Glucksmaan. Promouvant une transition énergétique durable et une sortie définitive du fossile, la liste souhaite atteindre les 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, s’alignant aux objectifs de décarbonation du pacte vert.

Pour parvenir à atteindre cette cible, le PS fait la proposition d’un “plan européen de rénovation thermique des bâtiments” et soutient un “développement massif des énergies renouvelables.” Alors que la question de la souveraineté énergétique est au cœur des préoccupations, Raphaël Gluscksmaan présente la sobriété énergétique comme la pierre angulaire d’un regain d’indépendance. Le plafonnement du prix de l’énergie est préconisé par le parti pour assurer la protection des consommateurs.

La position du PS, quant au marché unique européen, semble alignée avec le pacte vert, quoi qu’aucune mesure concrète ne soit pour l’heure évoquée. Refusant “la logique de toujours plus de libre-échange qui détruit [la] planète et [les] emplois”, Raphaël Glucksmann défend une réindustrialisation de l’Europe et un plan européen en matière de transition énergétique, notamment avec le Buy European Act, qui donnerait la priorité aux commandes publiques européennes dans les secteurs de l’énergie. La question de l’adéquation du réseau au projet de marché unique n’est cependant pas évoquée.

Majorité présidentielle, PCF, Reconquête, LR… quels projets ?

Si les Écologistes, le Rassemblement National, le PS et LFI affichent des positions claires quant au pacte vert, les autres groupes politiques peuvent sembler à la traîne.

Le parti Renaissance, affilié à la majorité présidentielle, n’a pas explicité ses recommandations en matière de transition énergétique concernant les élections européennes à venir : le gouvernement a néanmoins mis l’accent sur la nécessité de développer les secteurs éoliens et photovoltaïques, affichant ses objectifs de décarbonation à l’horizon 2050. Le nucléaire est aussi soutenu par l’exécutif, qui encourage par ailleurs un maintien ferme du marché unique de l’énergie européen, sans pour autant avoir encore évoqué ses projets en matière d’adaptation du réseau à l’approche des élections.

Pouvoir d’achat, paix, environnement” : le programme du PCF en matière de pacte vert se résume à ce slogan. Misant sur un mix nucléaire et renouvelable, le parti plébiscite une “maîtrise publique sociale et démocratique” de ces filières. La question de la protection des consommateurs en matière d’énergie et de l’adéquation du réseau européen ne sont pas clairement évoquées par le parti.

Côté Reconquête, l’accent est mis sur le nucléaire et les installations hydroélectriques. Le parti entend supprimer l’objectif de réduire de 50% la part du nucléaire dans le mix électrique en 2035, et imposer le nucléaire à l’échelle européenne comme “principal outil du réchauffement climatique.” Sans afficher clairement un alignement aux objectifs de décarbonation du pacte vert, le groupe souhaite poursuivre un effort européen. Néanmoins, le refus d’ouvrir les barrages français à la concurrence européenne signale un protectionnisme qui irait à l’encontre d’un marché homogène européen.

Reconquête a également affiché son rejet des énergies renouvelables. On peut ainsi lire dans le programme : “Je garantirai que le développement des énergies renouvelables ne se fasse pas au détriment de nos paysages et de nos finances.” Des objectifs qui semblent donc passer à côté du débat européen, malgré une volonté de favoriser la souveraineté européenne en matière d’énergie.

Enfin, du côté des Républicains, les propositions s’alignent plutôt sur les objectifs de transition énergétique du pacte vert. François-Xavier Bellamy préconise une construction de centrales nucléaires en Europe, et la fermeture des dix centrales à charbon les plus émissives du continent, dans un objectif d’adéquation du marché et du réseau aux défis de décarbonation. Il est expliqué dans le programme que “toutes les études scientifiques sérieuses montrent que nous ne pourrons pas nous passer de l’énergie nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.” Les énergies renouvelables et la question de la protection des consommateurs restent en suspens.

Des élections qui s’annoncent donc importantes en matière de souveraineté et de transition énergétiques.

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