Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche dernier, faisant craindre aux énergéticiens français un retard - voire un abandon - de la transition énergétique. La crise politique majeure qui ébranle le pays et la montée de l’extrême droite pourraient mettre en danger un plan de bataille énergétique, pourtant nécessaire.

Le vent d’espérance" évoqué par Jordan Bardella ne semble pas souffler parmi les énergéticiens français. La dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron suite aux élections européennes fait craindre aux spécialistes de l’énergie que les projets de transition énergétique ne prennent un retard considérable. La programmation énergétique en matière d’énergies renouvelables aurait dû être annoncée cette semaine.

Vent de colère

Les spécialistes de l’énergie s’inquiètent et s’insurgent. Alors que les filières du renouvelables attendent depuis des mois un plan de bataille clair et chiffré à l’horizon 2035, la feuille de route peine à arriver. Le gouvernement avait promis un décret - levant un vent de colère chez les députés, privés de loi, mais la montée du Rassemblement national semble compromettre la programmation énergétique française.

Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) entendu par l’AFP alerte ainsi : “C’est grave ce qui se passe. Le gouvernement tergiverse depuis des mois sur cette programmation, qui aurait dû être annoncée cette semaine et mise en concertation fin juin. Vraisemblablement, elle ne pourra pas être adoptée avant les législatives.

Or, le Rassemblement national s’oppose fermement au développement de certains types d’énergies renouvelables, notamment l’éolien. Alors que l’amertume des énergéticiens est tangible, Jules Nyssen ajoute : “On est dans une instabilité complète, alors qu'on a besoin de sécurité juridique et de visibilité. Et on va en payer cher le prix. Aujourd'hui, on rebat les cartes, le futur gouvernement va pouvoir refaire ses choix.” Autrement dit, le RN pourrait choisir de mettre des bâtons dans les roues aux acteurs du renouvelable.

Des projets qui tombent à l’eau

Alors que l’exécutif avait promis de sauver la filière de l’éolien offshore du naufrage grâce à un “méga appel d’offres”, les énergéticiens craignent désormais que de nombreux projets ne tombent à l’eau. Qu’adviendra-t-il, en somme, du soutien au gaz renouvelable, aux projets éoliens et solaires ?

EDF attendait aussi en juin une étape charnière pour la mise en place de certains contrats commerciaux, grâce à l’appui du ministre de l’Industrie. Or, ces contrats devaient assurer l’avenir du groupe, hautement endetté.
L’Uniden, organisme porte parole des industriels les plus énergivores, concernés par ce type de contrat, a ainsi fait savoir “on souhaite que cette période d’instabilité ne pose pas de problème.” Quatre accords seulement ont été signés à ce jour.

Nicolas Warren, président de l’organisme, a ainsi déclaré à l’AFP : "Nous avons une feuille de route claire : nous devons nous décarboner. L'essentiel est d'accéder à une électricité bas carbone à un prix compétitif, qu'elle soit nucléaire ou renouvelable.

La filière de l’hydrogène vert redoute également l’instabilité. Mika Blugeon-Mered, chargé d’enseignement à Sciences po explique ainsi : “depuis un an, la filière attend la stratégie révisée du gouvernement. Elle était attendue à l’été selon le ministère, mais il y a maintenant peu de chances qu’elle soit publiée dans les délais. Or, la filière a besoin d’un soutien aux utilisateurs, puisque la stratégie initiale était axée uniquement sur les producteurs.

Les projets du RN

En 2022 Marine Le Pen avait fait part de ses projets pour l’avenir énergétique de la France. Au programme ? Une vingtaine de nouveaux réacteurs nucléaires, dont la livraison aurait été prévue en 2031 - un projet impossible selon les industriels, alors que la gauche est encore divisée à ce sujet.

L’éolien est également dans le viseur du parti : Marine Le Pen misait sur un démantèlement progressif des parcs éoliens. Or, pour sortir des énergies fossiles et tenir ses promesses climatiques, la France n’a d’autres choix que de s’appuyer sur l’éolien et le solaire.

Le président d’un fournisseur d’électricité renouvelable espère ainsi que "les lois de l’économie et de l’énergie vont rattraper les responsables du RN.” Il explique également : “On aura besoin de plus d'énergie pas chère. Construire du nucléaire nécessite 10-15 ans. Que fait-on en attendant ? Et comment attirer des usines de batteries s'ils ne veulent plus de voitures électriques ?

À l’approche des législatives, Jules Nyssen a indiqué : "Parmi les préoccupations de nos concitoyens, il y a le changement climatique, la souveraineté de la France, le besoin de réindustrialiser, et sur ces trois sujets les énergies renouvelables ont des réponses à apporter. L'enjeu pour nous est de bien le rappeler, pour éviter une campagne uniquement axée sur les peurs."

Il n’est donc pas étonnant que la première promesse de campagne législative de l’exécutif concerne une baisse des factures de l’électricité.

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