À l’heure où le monde entier a les yeux tournés vers les thématiques environnementales et écologiques, la question de l’empreinte carbones de certaines technologies et du poids du numérique dans la facture verte font débat. Dernier en date au banc de l’accusé : le bitcoin.
Flambée énergétique, gouffre écologique, boulot climatique, les attaques fleurissent contre la monnaie virtuelle, dont la consommation électrique du bitcoin se situerait dans une fourchette entre 0,1 et 10 GW de puissance électrique, soit plus que la consommation électrique de l’Irlande, qui plafonne à 3 GW. Un constat alarmant, mais qui se focalise sur la seule consommation énergétique sans prendre en compte les ressources naturelles nécessaires à la fabrication des monnaies fiduciaires.
Bitcoin : un gouffre climatique ?
Comment une monnaie qui n’est même pas imprimée peut-elle être à ce point une telle catastrophe écologique ? La faute, semble-t-il, à son créateur, qui a le goût des casse-têtes. Pour encourager les internautes à dédier leur capacité de calcul à ce projet, Satoshi Nakamoto (un pseudonyme, NDLR) a mis en place un concours mathématique, du même type que la recherche de décimales de pi. Les mineurs (oui, c’est leur nom) s’affrontent pour atteindre la valeur cible définie par l’algorithme. La récompense ? 25 bitcoins ( +/- 399 803,25€). C’est précisément cette incessante compétition (la difficulté de cette devinette informatique s’ajuste automatiquement pour être résolue en moyenne toutes les dix minutes) qui a fait du bitcoin un boulet écologique.
En cause également : les mines de bitcoin, ces “fermes” géantes où les mineurs s’attèlent à générer encore et toujours plus de cryptomonnaie à grand renfort de calculs et d’algorithme. Actives 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, les salariés font les trois 8, les serveurs aussi. Pour une facture quotidienne de 39 000 dollars… Pour être fonctionnelles, les mines de bitcoin consomment de l’électricité en quantité industrielle (c’est le cas de le dire) ; 40 mégawatts, « l’équivalent de ce qu’utiliseraient 12 000 foyers sur le même temps ».
Bitcoin : une consommation élevée
Des chiffres qui ont de quoi affoler, certes. Mais considérons les choses ainsi : dans un rapport publié récemment, il s’avère que les mineurs de bitcoin consomment environ 8,27 térawatt-heure par an. Une note salée en soi, mais qui fait pâle figure par rapport à ce que représente celle des data centers. Ces centres de stockage de données engloutissent des milliards de kWh chaque année, et en réclament toujours plus. On prévoit une consommation énergétique estimée à 104 milliards en 2020, dont presque la moitié (40 à 50%) est destinée à la climatisation et aux systèmes de refroidissement.
Ce chiffre n’est en réalité que le huitième de ce que consomment chaque année les centres de données aux États-Unis, et la production mondiale de monnaies fiduciaires est de 11 térawattheures par an. L’extraction de l’or brûle un nombre impressionnant de 132 térawattheures par an. Côté impact environnemental, le constat n’est pas vraiment plus brillant : pour extraire 20 grammes d’or, 50 000 litres d’eau et 150 litres d’essence sont nécessaires. Ce qui émet plus de 400 kilos de CO2 pour brasser 20 tonnes de déchets miniers, qui seront ensuite laissés dans la nature…. Pour fabriquer cent alliances, un kg d’or est nécessaire, soit :
- 2, 3 millions de litres d’eau.
- Près d’une tonne d’oxyde de soufre (responsable des pluies acides).
- Au moins 2000 tonnes de déchets miniers soit 4000 tonne de CO2.
- 27 grammes de mercure et 22 grammes d’arsenic dans l’atmosphère.
Aux impacts environnementaux liés à l’extraction, s’ajoutent ceux induits par le traitement du minerai, l’isolement du groupe et la séparation des éléments du groupe…Qui plus est, ces chiffres n’incluent même pas le montant énorme dépensé dans les coffres, les banques, les systèmes de sécurité et plus encore pour garder l’argent physique et le métal précieux en sécurité.
Pour évaluer l’impact environnemental du dollar américain, une étude menée par Ahlers et al. en 2010 tente de quantifier les coûts de production de cette monnaie, en comparaison avec les billets en polymères fabriqués en Australie. Il en ressort que :
- 1.4 milliards de litres d’eau par an pour la fabrication du papier ;
- 0.35 milliards de litres d’eau par an pour l’impression des billets ;
- 2720 tonnes d’encre et de pâte à papier ;
- 97850 MWH d’électricité (0.35 million GJ) pour l’impression et la fabrication de la pâte ;
- 3540 tonnes d’encre ;
- Plus de 7100 tonnes de coton ;
- Plus de 2300 tonnes de lin.
Utilisant les données ci-dessus, la production des petits billets verts aux USA en 2002, l’utilisation semblable de l’électricité à l’euro (0,8 millions de GJ contre 0,87 millions de GJ), et comme les masses monétaires M0/M1 en les deux pays se sont développées assez pareillement, on peut conclure que le besoin en l’électricité actuel pour produire tous les billets en circulation est équivalent l’euro à environ 4,6 millions de GJ (1 000 MJ).
L’euro édite régulièrement des statistiques de durabilité sur leur devise, et, selon les dernières estimations, pour 3 milliards de billets imprimés en 2003, on consomme l’équivalent de 460,000 ampoules de 60W allumées toutes l’année, soit 240 millions de kWh, ou 0.87 million GJ. Avec 15,8 milliards de billets en circulation pour l’année 2007 (selon la Banque Centrale Européenne), on passe à un chiffre de 4.6 million GJ (1 GJ = 277.77777777778 kWh).
L’impact environnemental de l’exploitation minière bitcoin est réel, mais amplement surestimé, notamment par les détracteurs de cette cryptomonnaie, non légitime selon eux, mais il semble que ces accusations sont plus le résultat de doute et d’incertitude, plutôt que des faits réels basé sur des évidences scientifiques et des études. La consommation énergétique des data centers, de la finale de Coupe de Monde de football ou encore des huit films de la franchise Star Wars dépasse l’entendement, mais cela ne dissuade personne de continuer à regarder Game of Thrones en streaming ou The Last Jedi au cinéma.
Ces rapports ne tiennent pas compte des coûts réels des autres types de production de valeur, dont l’impact environnemental est loin de se limiter à la seule consommation électrique. En fait, le bitcoin consomme moins d’énergie que ses équivalents non numériques.
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