Alors que le gouvernement Barnier a été renversé par une motion de censure à l’Assemblée Nationale ce mercredi 4 décembre, le secteur de l’énergie est sous haute tension. Fin de l’ARENH, Programmation pluriannuelle de l’énergie, hausse des prix de l’électricité… Les ménages et les acteurs de l’industrie énergétique sont sur le fil du rasoir.

Le compte à rebours a commencé. Alors que Michel Barnier avait promis jeudi 28 novembre de ne pas augmenter les prix de l’énergie, la démission à venir de son gouvernement, actée par la motion de censure adoptée ce mercredi 4 décembre, pourrait - encore une fois - tout remettre en cause pour les acteurs du secteur de l’énergie, mais aussi pour les ménages. Or, la fin de l’ARENH approche, et l’État n’a toujours pas réussi à fixer un nouveau système d’encadrement des prix de l’électricité pour protéger les consommateurs Français.

Des projets court circuités

Ce jeudi 5 décembre aurait pu permettre aux acteurs de l’énergie de souffler un peu. Marc Ferraci (ministre démissionnaire de l’Industrie), Agnès Pannier-Runacher (ministre de l’Écologie) et Olga Givernet (ministre de l’Énergie) avaient en effet convié de grands acteurs du secteur énergétique pour tenter d’élaborer un nouveau mécanisme de fixation des prix, alors que l’ARENH devrait prendre fin en 2025. À la table des négociations, de grands noms : EDF, TotalEnergies, ou encore Engie attendaient de pied ferme la présentation du nouvel accord.

Or, le remaniement du gouvernement laisse les acteurs du secteur dans le flou, à un moment clef pour les acteurs de l’énergie.

Pour rappel, en novembre 2023, EDF et le gouvernement déclaraient avoir trouvé un accord, qui aurait dû permettre de fixer un nouveau mécanisme de régulation des prix. L’enjeu était de taille : ce système avait pour objectif de protéger les ménages des fluctuations du marché. L’accord aurait dû être entériné dès janvier : mais le dernier remaniement et la récente censure du gouvernement Barnier retardent l’adoption d’une décision vitale pour les ménages.

Urgence énergétique

Le temps presse. À partir de 2025, l'ARENH, le mécanisme qui impose à EDF de vendre une part de sa production d’électricité nucléaire à un prix largement sous-évalué de 42 euros le mégawattheure, disparaîtra. Ce tarif, bien en deçà des coûts réels de production, aura cependant permis de limiter les hausses de prix pendant la crise. Introduit en 2011 pour réguler le marché de l'électricité, ce dispositif est désormais vu comme obsolète par l'électricien historique.

Derrière cette fin programmée se cache un enjeu majeur : comment permettre aux Français de continuer à bénéficier des 56 réacteurs nucléaires d'EDF, dont une grande partie des coûts a été amortie ? L’objectif du gouvernement, dans son projet de loi « Souveraineté énergétique », est clair : préserver les bénéfices de ces investissements pour l'ensemble des consommateurs, en garantissant des prix qui reflètent la réalité industrielle du parc nucléaire. Une réalité qui, selon le texte, n’est pas reflétée par les prix observés sur les marchés européens de l’électricité. Et le vide politique risquerait bien d’aggraver une situation déjà délicate.

L’impatience des acteurs

Nous attendons une décision depuis trop longtemps. On ne peut indéfiniment laisser les Français, particuliers comme professionnels, dans l’attente sur le sujet.” observe auprès de la Tribune Julien Tchernia, le nouveau président de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), soulignant l’impatience de la filière, dont les projets restent suspendus à une situation politique dangereuse.

En novembre dernier, un cadre post-ARENH devait être urgemment adopté, à la suite des négociations entre l'État et EDF. Cet accord n’envisageait pas un renouvellement du mécanisme en vigueur, mais offrait à EDF la possibilité de fixer ses prix de vente en fonction des évolutions du marché. Cependant, une régulation était envisagée : si les prix dépassaient 78 à 80 euros le mégawattheure, l'État prélèverait 50 % des profits excédentaires, et jusqu’à 90 % au-delà de 110 euros le MWh.

L’avant-projet de loi « Souveraineté énergétique », qui portait cette proposition, a été radicalement modifié lors du remaniement de janvier, mettant en pause toute la réforme. Le texte a ensuite été intégré au projet de budget, soumis par le gouvernement Barnier après les élections anticipées de juillet.

L’avenir de cette réforme reste incertain, et les marges de manœuvres s’amenuisent alors qu’une épée de damoclès semble peser sur tout le secteur - mais aussi sur les ménages français, qui seront exposés à la fluctuation des prix du marché. Un rapport récent de la Cour des Comptes a également souligné les dangers encourus par les industriels, qui ploient déjà sous le poids de plans sociaux de plus en plus nombreux.

Et la filière tape du pied; "Ça ne peut pas être éternellement reporté. Si le gouvernement est censuré, il faudra une loi d'exception pour décider rapidement du cadre post-ARENH", confie l’un des acteurs à la Tribune, qui craint qu’il ne faille abandonner le partage de la rente nucléaire, pour "laisser complètement faire le marché" à partir de 2026. Un risque potentiel pour les Français, mais aussi pour les fournisseurs.

À quoi s'attendre ?

Dans un scénario où la suppression des droits ARENH ne serait pas compensée par un nouveau mécanisme, l’impact sur les prix de l’énergie serait tangible.

En l’absence de l'ARENH, le TRV de 2024 aurait enregistré une hausse de 15,89 %, principalement liée à l’augmentation du coût d’approvisionnement en énergie.

Actuellement, environ 45 % du TRV repose sur l’électricité fournie par l’ARENH à un tarif fixe de 42 € par mégawattheure (MWh).

En l'absence de droits ARENH en 2024, les fournisseurs se seraient approvisionnés en energie sur le marché pour couvrir les heures dites ARENH, au prix moyen de 97,97 € par MWh. Cette évolution se serait traduite par une augmentation de 23,9 % du coût d’approvisionnement énergétique, impactant directement la structure du TRV.

À l’horizon 2026, l'impact à la hausse sur le TRV se maintiendrait. Le prix du MWh pour cette année se négocie à 65,20 €, bien au-delà du tarif fixe de l’ARENH.

Selon nos calculs et les informations fournies par la CRE, si ce dispositif venait à disparaître, le coût moyen d’approvisionnement grimperait de 54,73 €/MWh (avec l’ARENH) à 65,20 €/MWh (sans ARENH), soit une augmentation de 19 %.

Cette hausse se répercuterait directement sur la facture des ménages, notamment pour les profils standards, qui subiraient une augmentation sensible de leur coût énergétique.

Une telle situation pourrait avoir des conséquences importantes, notamment pour les ménages les plus vulnérables, déjà affectés par la hausse des prix de l’énergie sur les marchés européens. Sans un mécanisme de régulation comme l’ARENH, les consommateurs verraient leurs factures gonfler, exacerbant les risques de précarité énergétique. Un scénario inquiétant que les acteurs du secteur souhaitent éviter à tout prix, évoquant notamment l’adoption de mesures d’urgence courant 2025.

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