Après plus d’un an de négociations, un décret permettant de régir la cohabitation entre énergies solaires et production agricole a été publié au Journal officiel le mardi 9 avril. Un texte très attendu par les acteurs de l’agriculture et de l’énergie. Le gouvernement prévoit une affluence de projets agrivoltaïques.
Des négociations sous haute tension. Prévu par la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables de mars 2023, le décret sur l’agrivoltaïsme est paru au Journal officiel ce mardi 9 avril 2024.
Attendu depuis plus d’un an par les énergéticiens et les acteurs de l’agriculture, le texte devrait permettre d’encadrer l’expansion d’installations photovoltaïques en terres agricoles. La pression exercée par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a porté ses fruits.
Rassurer le monde agricole
La frustration du monde agricole et des spécialistes de l’énergie après la création officielle, ce dimanche, de l’observatoire des énergies renouvelables a été entendue.
Encore secoués par la crise survenue en début d’année, les acteurs de l’agriculture craignaient que le projet de développement de panneaux photovoltaïques, à hauteur de 100 GW de capacités d’ici 2035, n’impacte durablement leurs exploitations. Les énergéticiens, quant à eux, étaient paralysés dans leur croissance, en attente du décret.
La loi relative à l’accélération des énergies renouvelables de 2023 prévoyait déjà un cadre pour les projets d’agrivoltaïsme. Ces derniers devaient être garants d’une production et d’un revenu significatifs, et permettre d’améliorer le potentiel agronomique, une meilleure adaptation au réchauffement climatique, de prévenir les aléas, ou d’améliorer le bien-être animal.
Le principe de non-concurrence mis en avant par le texte devrait ainsi garantir le développement des deux activités, et rassurer les acteurs. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique précise ainsi : “Soyons clairs : il ne s’agit pas de remplacer la production agricole par de la production d’énergie solaire, mais bien de compléter la production agricole par de la production d’énergie solaire.”
Un cadre plus clair
Le décret entend répondre aux spécificités des besoins de chaque activité en offrant une réglementation plus précise.
La priorité semble donnée au monde agricole : les projets d’énergie solaire au sol ne pourront voir le jour que sur des terres non cultivées depuis au moins dix ans, ou incultes. Les chambres d’agriculture auront pour mission de référencer ces parcelles grâce à des “documents cadres.”
Dans le cadre du développement des projets d’agrivoltaïsme, le texte établit ainsi une limite de 40% de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques. Le décret prévoit en outre que les potentielles baisses de rendement causées par l’agrivoltaïsme ne puissent dépasser 10% de la moyenne du rendement d’une parcelle témoin, présentant les mêmes caractéristiques que les sols qui seront exploités. Un chiffre jugé déjà trop important par le syndicat agricole.
Un contrôle rigoureux de ces mesures sera effectué. Le gouvernement indique ainsi que “les acteurs locaux réunis au sein de la Commission départementale de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF) seront mobilisés pour analyser les projets et retenir les meilleurs pour l’agriculture, au travers d’un avis conforme devant être suivi par les services de l’État et nécessaire à tout projet agrivoltaïque.”
Quelle croissance pour les énergies solaires ?
Les normes prévues par le décret pourraient apparaître comme un frein à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables prévu par la loi de 2023. Le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jules Nuyssen, se montre cependant optimiste : “Face au défi de la transition énergétique, ce décret crée un cadre favorable au développement de projets renouvelables sur les exploitations agricoles. C’est aussi le fruit d’un dialogue efficace entre les acteurs des filières renouvelables et agricoles, dont on ne peut que se féliciter !”
Le gouvernement attend de la publication du décret un “afflux” de projets d’agrivoltaïsme, évoquant une centaine de propositions dans certains départements. David Gréau, délégué général du Syndicat de l’énergie solaire renouvelable, signale cependant que les acteurs du secteur photovoltaïque sont en attente d’autres mesures permettant le développement de l’énergie renouvelable.
Si le décret sur le photovoltaïsme ouvre la voie à de nouvelles idées, les énergéticiens espèrent que d’autres cadres législatifs permettront l’expansion de ces énergies : “Et si nous voulons soutenir rapidement les industriels français du solaire, l’ouverture d’un guichet pour de petites installations sur bâtiment, qui concernent des volumes grandissants de projets, est tout autant nécessaire”, indique ainsi David Gréau à Actu Environnements.
Des questions toujours en suspens
Bien que le texte permette de réglementer l’exploitation des terrains d’élevage ou de culture, et la part de rendement maximale perdue lors du développement des projets, il ne traite pas de toutes les questions. Le problème de la répartition de la valeur créée par la production d’énergie entre l’agriculteur, le propriétaire foncier et les professionnels de l’agrivoltaïsme est au cœur des préoccupations.
Le cabinet de la ministre déléguée à l’agriculture, Agnès Pannier-Runacher, entend les interrogations des différents acteurs, et souligne qu’un premier bilan sera produit dans un an pour rendre compte de ces défis, dans un contexte d’expansion de l’énergie solaire.
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