Lors du Forum des Énergies Renouvelables EnerGaïa, les 11 et 12 décembre, Fournisseur Énergie a pu s’entretenir avec Olivier Guiraud, directeur du Business Développement pour les énergies marines renouvelables au sein du groupe Qair, au sujet du projet EolMed. Ce projet ambitieux d’éolien offshore flottant en Méditerranée a bien failli tomber à l’eau au printemps dernier, notamment en raison du manque de soutien gouvernemental. Malgré ces obstacles, les acteurs du projet ont su se mobiliser et continuer à avancer, résolument tournés vers l'avenir et la concrétisation de ce projet phare pour la transition énergétique en France.

Pouvez-vous nous présenter le projet EolMed ?

Le projet EolMed, c'est un projet pilote de ferme d'éoliennes flottantes qui fait suite à un appel à projets lancé par l'Ademe (Agence de la transition écologique) en 2015. L'idée était de développer des technologies de flotteurs pour permettre aux éoliennes de flotter en mer. Quatre projets ont été sélectionnés à l'époque : un en Bretagne et trois en Méditerranée, dont le projet EolMed mené par Qair, au large de Gruissan-Port-La-Nouvelle.

Il n’en reste plus que trois, tous en Méditerranée. Ces projets pilotes ont en effet traversé de multiples crises, la faillite d'un des grands fournisseur d'éoliennes, Senvion, la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine, une inflation sans précédent des matières premières.Sur dix ans de développement il peut se passer énormément de choses !

Quelles sont les caractéristiques techniques du chantier ?

Le projet se déroule à Port-La-Nouvelle, et il comprend trois flotteurs, conçus à La Ciotat par BW, chacun portant une
éolienne de 10 mégawatts, soit un total de 30 mégawatts pour l'ensemble. Ces flotteurs seront installés à 18 kilomètres des côtes, au large de Gruissan-Port-La-Nouvelle.

Côté technologie, les flotteurs ont une forme assez particulière, un peu comme des donuts, mais carrés. Ce sont des structures énormes, mesurant 45 mètres de côté et 17 mètres de haut. Chaque flotteur pèse environ 3 000 tonnes d’acier massif, et l’éolienne ajoute encore 1 000 tonnes.

Qair s’engage-t-elle envers une production française dans ce chantier ?

Au départ, on avait l’ambition de fabriquer des flotteurs 100 % made in France, mais au final, ce sera du 100 % made in Europe, ce qui reste tout de même une belle avancée,

Un chiffre important à retenir, c’est que 80 % des coûts de construction, sur les 350 millions d'euros qui représentent ce projet, sont réalisés par des entreprises françaises, ce qui reste un beau résultat.

Chez Qair, on accorde une grande importance au contenu industriel de nos projets. On veille vraiment à ce que nos projets soient réalisés ici, même si on sait qu'il y a parfois des défis logistiques.

Vous avez rencontré de nombreuses difficultés cette année, notamment financière.Comment se porte le projet aujourd’hui ?

La situation reste tendue, mais le chantier continue. En termes de calendrier, on semble toujours sur la bonne voie pour la mise à l’eau du premier flotteur au printemps 2025 et nous visons une mise en service à l'automne.

Malgré les difficultés rencontrées, je pense que nous allons réussir à tenir nos engagements et à avancer comme prévu.

En avril dernier, vous avez interpellé le gouvernement en raison des grandes difficultés rencontrées par la filière. Le gouvernement a-t-il été à la hauteur de vos espérances ?

Nous avons tiré toutes les sonnettes d'alarme, ouvert des discussions, mais elles n'ont pas encore abouti. Vous pouvez voir les difficultés que rencontre le gouvernement depuis le printemps dernier, nous avons du mal à avoir des interlocuteurs. Mais nous espérons qu'à un moment donné, notre voix sera entendue.

Ce que nous demandons, c'est une revalorisation de notre tarif de rachat, car nous sommes déjà sur des projets pilotes, des projets de R&D (Recherche et développement, ndlr), avec une part de risque importante. Il faut avoir en tête qu'aujourd'hui, en Europe, l'éolien offshore flottant n'a que quelques centaines de mégawatts installés, et une grande partie des projets sont arrêtés.

Nous essuyons les plâtres, clairement. Nous n'étions pas partis pour gagner de l'argent, mais nous n'étions pas non plus partis pour affronter des crises d'ampleur mondiales parfaitement imprévisibles. Ce que nous demandons est donc légitime. Nous ne demandons pas de retrouver la rentabilité prévue au départ, mais juste un équilibre raisonnable pour tout le monde.

Nous souhaitons mener ces projets à terme de manière sereine, afin de donner une bonne image de la filière. Il est important de comprendre cela, surtout avec des initiatives comme le Net Zero Industries Act, ces règles de l'Union européenne visant à relocaliser un certain nombre d'activités industrielles en Europe. La France doit
jouer sa part.

La question des logements et des infrastructures est-elle également un défi ?

Oui, évidemment, on s'en doutait un peu, mais c’est toujours pareil : c’est quand on est vraiment au pied du mur qu’on réalise pleinement les enjeux. Tant que les projets ne prennent pas une forme tangible, on attend toujours de voir ce qui va se passer. C’est vrai qu’au début, on n’avait pas non plus un cap très clair, surtout en termes de politique de déploiement à grande échelle des technologies d'éoliennes flottantes. Ce n’était pas évident de savoir ce qu’il allait se passer après ces fermes pilotes.

Aujourd’hui, l'État a fait ce qu'il fallait : il a donné des objectifs clairs et de long terme dans la PPE. Le mouvement est en marche, et maintenant, l’enjeu est de prendre un retour d’expérience de ces projets pilotes.

Aujourd’hui, sur le chantier, on a, en moyenne, entre 200 et 250 personnes présentes chaque jour. C’est une vraie première, une telle mobilisation sur un projet d’une telle envergure. En tout, on a environ 600 personnes qui se déplacent sur le chantier, et parfois même des pics à 400 ou 450 personnes.

D’un autre côté, tout autour de ce chantier, il y a un chantier encore plus grand : l’extension de l’infrastructure portuaire de Port-la-Nouvelle. Là, on estime à environ 1000 personnes qui arrivent chaque matin pour travailler. C’est énorme. Ces travaux sont destinés à se pérenniser grâce aux programmes lancés par l'État. Mais il faut maintenant que, d’un côté, les industriels et, de l’autre, les collectivités locales, se mettent autour de la table pour réfléchir à la manière dont on organise l’emploi, la formation, et comment on accueillera de nouvelles populations sur ce territoire, à mesure que cette plateforme industrielle se développera.

En termes de recrutement, rencontrez-vous également des obstacles ?

Oui, il y a un vrai sujet sur ce point. On se retrouve avec des manques dans des secteurs comme la soudure, la chaudronnerie, ou encore l’application de peinture. Ce sont des métiers en tension, et il faut bien comprendre que les personnes qui possèdent ces compétences trouvent souvent du travail immédiatement dès qu’elles arrivent sur le marché de l’emploi.

C’est donc un défi de taille pour l'avenir : il faut réussir à communiquer auprès des jeunes, pour qu'ils envisagent l’industrie comme une voie d’avenir.

Si EolMed aboutit, avez-vous pour objectif de déployer d’autres projets de ce type ?

Bien évidemment, lorsque nous avons lancé ces projets de fermes pilotes, c'était dans l'optique de devenir un acteur majeur dans le futur de l'éolien flottant, aussi bien en France qu’à l'international. En France, nous participons à tous les appels d'offres, et nous répondons en consortium avec des partenaires diversifiés, comme TotalEnergies et ENI Plénitude. En parallèle, nous avons également exploré d’autres marchés internationaux, au Royaume-Uni, au Canada.

Le Brésil, quant à lui, reste un marché stratégique pour nous. Nous explorons actuellement les opportunités en offshore, car ce pays offre un potentiel très intéressant dans ce domaine.

Enfin, la dernière nouveauté de l'année, c’est le renforcement de notre présence en Espagne. Le gouvernement espagnol a lancé une politique ambitieuse pour développer l’éolien offshore, et nous avons l’intention de nous y positionner également.

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