Une étude de La Fabrique de l’Industrie et McKinsey souligne que la France et l’Allemagne adoptent des stratégies opposées : l’Allemagne diminue ses émissions de CO2, tandis que la France accélère l’électrification de son industrie.

Quelle est la bonne stratégie face à l’urgence climatique ? Selon une étude conjointe de La Fabrique de l’Industrie et du cabinet McKinsey, la France et l’Allemagne affichent des trajectoires environnementales « inversées ». Tandis que l’Allemagne réussit à réduire ses émissions de CO2, la France mise sur une électrification accrue de son industrie pour améliorer ses performances écologiques. Ces deux stratégies reflètent des approches contrastées face aux défis de la transition énergétique.

Charbon contre nucléaire

L’industrie allemande affiche des émissions de gaz à effet de serre proportionnellement inférieures à celles de la France, mais cette dernière se distingue par une électrification plus avancée de ses procédés industriels, selon une étude publiée jeudi. Ce rapport, réalisé par le groupe de réflexion La Fabrique de l’Industrie et le cabinet McKinsey, compare les performances environnementales des deux géants industriels européens.

En 2021, les émissions directes de l’industrie française (connues sous le nom de « scope 1 » dans le jargon climatique) atteignaient 380 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée, contre 290 grammes pour l’Allemagne, indiquent les auteurs. Ce différentiel s’explique par une plus grande part de secteurs très polluants en France, comme la métallurgie, la chimie ou encore la fabrication de produits minéraux, là où l’Allemagne est davantage tournée vers des industries moins émettrices, telles que l’automobile.

Cependant, cet écart tend à se réduire, voire à s’inverser, lorsque l’on prend en compte le mix énergétique des deux pays. « En considérant l’origine de l’électricité, les performances des deux pays se rapprochent », explique au Figaro David Mollo, économiste à La Fabrique de l’Industrie et auteur de l’étude. En effet, grâce à une électricité principalement d’origine nucléaire, l’industrie française bénéficie d’une empreinte carbone bien plus faible. En termes d’émissions liées à l’énergie utilisée dans l’industrie (le « scope 2 »), la France prend systématiquement l’avantage, son électricité nucléaire émettant « six fois moins de CO2 » que celle de l’Allemagne, encore largement dépendante du charbon.

Des positions inversées

La France et l’Allemagne se retrouvent dans une situation « inversée », résume McKinsey : la France émet proportionnellement plus de CO2 en « scope 1 » que l’Allemagne, mais cette dernière est moins performante en « scope 2 », qui concerne les émissions liées à la consommation d’énergie. En combinant ces deux catégories, les émissions de l’industrie française atteignent 371 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée, contre 359 grammes pour l’Allemagne, des niveaux finalement très proches, observe David Mollo.

L’Allemagne devance également la France dans l’utilisation de « combustibles alternatifs » et, selon l’étude, est « probablement en avance » en matière d’économie circulaire et de réutilisation des intrants industriels. Toutefois, l’analyse n’inclut pas les émissions « scope 3 », celles générées indirectement par les clients, en raison de la difficulté de les quantifier.

Matthieu Dussud, directeur associé chez McKinsey, estime que la décarbonation de l’industrie, en France comme en Allemagne, doit se penser à l’échelle de grands bassins industriels. Cela inclut la mutualisation des investissements dans les infrastructures de transport et de production énergétique. Il cite en exemple l’« autoroute de la chaleur » près de Lille et le projet « D’artagnan » à Dunkerque, destiné à capter, stocker et exporter le CO2 industriel.

L’inquiétude des industriels

Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l’Industrie, met en garde : « Les industriels ont besoin de garanties sur la rentabilité de leurs investissements avant de se lancer ». Alexandre Saubot, président de France Industrie, partage cette préoccupation. Il souligne dans un entretien avec l’AFP que certains secteurs, touchés par la flambée des prix de l’énergie et la concurrence chinoise accrue, n’ont plus les moyens qu’ils avaient envisagés il y a quelques années pour financer une transition aussi coûteuse.

Le secteur automobile, en particulier, est fragilisé par l’incertitude face à la concurrence chinoise et par les doutes concernant le rythme de déploiement des véhicules électriques et la demande associée. « La chimie souffre également de la hausse des prix de l’énergie, qui sont plus compétitifs en Amérique et en Chine », ajoute-t-il.

Matthieu Dussud, de son côté, appelle l’État à intervenir, notamment en renforçant la formation des ingénieurs : « On manque de cerveaux, c’est un enjeu crucial », insiste-t-il.

Un autre obstacle majeur à la décarbonation est le coût de l’électricité en France. Selon l’étude, l’électrification de l’industrie pourrait se heurter à la barrière du prix de 70 euros le mégawatt, proposé par EDF aux industriels dans les contrats à long terme. Tant que l’électricité issue du gaz reste nettement moins chère, « il est illusoire de penser que les industriels s’électrifieront massivement », conclut Matthieu Dussud.

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